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Meurtre d’un leader sikh : trois suspects arrêtés au Canada

Le leader séparatiste sikh Hardeep Singh Nijjar a été assassiné le 18 juin dernier à sa sortie d'un temple de Surrey, dans la région de Vancouver.

Karan Brar (à gauche), Kamalpreeet Singh (au centre) et Karanpreet Singh (à droite)

L’Équipe intégrée d’enquête sur les homicides a publié des photos de Karan Brar (à gauche), Kamalpreeet Singh (au centre) et Karanpreet Singh (à droite), les trois hommes arrêtés pour le meurtre de l'activiste sikh Hardeep Singh Nijjar à Surrey, C.-B., en juin 2023.

Photo : L’Équipe intégrée d’enquête sur les homicides

RCI

Radio-Canada a appris que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a procédé vendredi à l’arrestation de trois présumés tueurs à gages qui seraient à l’origine du meurtre du leader séparatiste sikh Hardeep Singh Nijjar (nouvelle fenêtre), assassiné le 18 juin dernier à sa sortie d’un temple de Surrey, en Colombie-Britannique.

D'après des documents déposés devant le tribunal, Kamalpreet Singh (22 ans), Karanpreet Singh (28 ans) et Karan Brar (22 ans), tous des résidents d'Edmonton, en Alberta, sont accusés de meurtre au premier degré et de complot.

Selon des sources proches du dossier, les enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada examinent activement la possibilité que cette équipe de choc soit aussi reliée à trois autres meurtres commis au Canada, dont celui d’un enfant de 11 ans (nouvelle fenêtre) en novembre dernier à Edmonton.

Les suspects, qui avaient été identifiés par la police fédérale canadienne il y a quelques mois, faisaient l’objet d’une étroite surveillance jusqu’à leur arrestation vendredi matin.

D’après nos sources, les individus appréhendés occupaient diverses fonctions – tireurs, chauffeurs, guetteurs – le jour où le leader sikh Hardeep Singh Nijjar, 45 ans, a été assassiné au Guru Nanak Sikh Gurdwara de Surrey.

La diffusion d’une vidéo de l’assassinat (nouvelle fenêtre) lors de l’émission The Fifth Estate révélait un niveau de préparation et une exécution méticuleuse de l’opération.

En conférence de presse, vendredi après-midi, le corps policier a précisé que les trois suspects avaient été arrêtés séparément le matin à Edmonton. Les trois individus étaient en sol canadien depuis trois à cinq ans.

La Gendarmerie royale du Canada invite quiconque détenant des informations les concernant à entrer en contact avec elle.

Cette annonce ne constitue toutefois pas un compte rendu complet du travail d'enquête en cours, a précisé le commissaire adjoint de la Gendarmerie royale du Canada en Colombie-Britannique, David Teboul.

Des enquêtes distinctes sont actuellement menées sur différents aspects du dossier qui ne se limitent certainement pas à l’implication des personnes arrêtées aujourd’hui, dont un examen portant sur l’implication du gouvernement de l’Inde.
Une citation de David Teboul, commissaire adjoint de la GRC en Colombie-Britannique

La Gendarmerie royale du Canada collabore avec des agences d'application de la loi indienne depuis six à sept ans, a renchéri le commissaire adjoint. Je peux caractériser cette relation comme une relation qui est difficile, pour plusieurs raisons sur lesquelles je ne peux pas élaborer. Toutefois, la Gendarmerie royale du Canada [travaille] à l’amélioration de cette relation.

David Teboul parle au micro pendant une conférence de presse.

David Teboul, commissaire adjoint de la GRC en Colombie-Britannique, lors de la conférence de presse du vendredi 3 mai 2024.

Photo : Reuters / Jennifer Gauthier

M. Teboul n'a voulu faire aucun commentaire sur la nature des preuves recueillies ou sur les motifs du meurtre.

Le superintendant Mandeep Mooker a, pour sa part, invité toute personne ayant eu des contacts, durant le mois de juin 2023 dans la région de Surrey, avec l'une des personnes arrêtées vendredi à transmettre les informations à la ligne d'information de l'Équipe intégrée d'enquête sur les homicides de la Gendarmerie royale du Canada.

Il a également déclaré qu'il pourrait y avoir d'autres suspects reliés à cette affaire.

Froid diplomatique

Cet assassinat avait perturbé les relations diplomatiques entre l’Inde et le Canada après que le premier ministre Justin Trudeau eut déclaré en septembre à la Chambre des communes que les services de sécurité canadiens détenaient des renseignements crédibles (nouvelle fenêtre) révélant que l’assassinat de M. Nijjar avait été commandé par le gouvernement indien.

Des manifestants brandissent notamment des drapeaux en soutien à la création du Khalistan.

Des manifestants s'étaient rassemblés devant le consulat de l'Inde à Vancouver, le 25 septembre 2023. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Sophie Chevance

Le premier ministre Trudeau avait alors déclaré que l'assassinat d’un citoyen canadien dans son propre pays (nouvelle fenêtre) par un gouvernement étranger constituait une violation inacceptable de notre souveraineté.

Le gouvernement du premier ministre indien, Narendra Modi, avait aussitôt rejeté en bloc et qualifié d’absurdes ces allégations d’exécutions extrajudiciaires menées au Canada.

Le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, avait renchéri en accusant le Canada d’héberger des groupes extrémistes violents.

Série de meurtres

Le 20 septembre 2023, à peine deux jours après cette sortie en Chambre du premier ministre Trudeau, Sukhdool Singh Gill, (nouvelle fenêtre) un individu activement recherché par les services de sécurité de l'Inde, avait été retrouvé mort, abattu de plusieurs coups de feu, dans un duplex de Winnipeg, au Manitoba.

Sukhdool Singh Gill dehors.

Sukhdool Singh Gill, âgé de 39 ans, a été retrouvé mort dans une résidence du nord-ouest de Winnipeg. (Photo d'archives)

Photo : National Investigation Agency India/X

La veille de sa mort, Gill avait été placé par l’Agence nationale d’enquête indienne sur une liste de 43 individus recherchés pour terrorisme. On y alléguait qu'il était lié à la Force des Tigres du Khalistan (nouvelle fenêtre), un groupe terroriste auquel était aussi associé Hardeep Singh Nijjar par les autorités indiennes.

Six semaines après l’assassinat de Sukhdool Singh Gill, le 9 novembre 2023, un autre citoyen d’origine sikhe, Harpreet Uppal, 41 ans, était abattu en plein jour à Edmonton avec son fils de 11 ans (nouvelle fenêtre) dans le stationnement d’un centre commercial fréquenté alors qu’ils se trouvaient dans leur véhicule.

Un mémorial constitué de peluches, de fleurs et d'un chandail se trouve sur la scène du crime.

Un mémorial improvisé a été mis en place sur la scène du crime.

Photo : Radio-Canada / Julia Wong

Selon la police d’Edmonton, les tireurs avaient pris soin d’abattre Uppal et son fils, tout en laissant la vie sauve à un autre garçon – un ami de l’enfant – qui se trouvait aussi dans le véhicule au moment de l'attaque.

Quelques semaines plus tard, en décembre, un employé du gouvernement indien était accusé aux États-Unis (nouvelle fenêtre) d’avoir pris part à un complot pour commettre un meurtre en sol américain.

Utilisation de réseaux criminels

Selon nos sources, les suspects arrêtés vendredi sont tous des citoyens indiens arrivés au Canada après 2021 munis de visas temporaires, certains de visas d’étudiant étranger. Aucun d’eux n’a obtenu la résidence permanente.

Tous seraient membres d’un groupe criminel du Punjab associé au gangster indien notoire Lawrence Bishnoi, actuellement détenu dans une prison indienne, d'après nos informations.

Accusé du meurtre du rappeur Sidhu Moose Wala (nouvelle fenêtre), un citoyen de Brampton en Ontario tué en Inde en 2022, Bishnoi serait aussi actif dans le trafic de drogue et l’extorsion.

Sidhu Moose Wala se tient debout, les bras croisés.

Sidhu Moose Wala était un artiste très populaire dans la communauté punjabie.

Photo : Facebook/Sidhu Moose Wala

Selon l'Organisation mondiale sikhe du Canada (OMSC), Moose Wala avait commencé à parler publiquement du Khalistan et de la discrimination dont sont victimes les sikhs en Inde avant son assassinat.

Quant à Lawrence Bishnoi, il est récemment apparu dans les médias indiens, se déclarant nationaliste indien et s'opposant à ceux qui soutiennent le Khalistan, écrit l'Organisation mondiale sikhe du Canada dans un communiqué.

Plusieurs groupes criminels de l'Inde auraient des ramifications au Canada, où ils extorquent de l’argent à des commerçants ou à des individus par le biais de groupes criminels locaux.

Or, selon un acte d’accusation américain et les enquêteurs canadiens, le gouvernement indien aurait mis à contribution l’un de ces réseaux criminels pour éliminer ses ennemis politiques au Canada.

Lors de la conférence de presse, vendredi, le commissaire adjoint de la Gendarmerie royale du Canada Brian Edwards a souligné le rôle important joué par la communauté locale, tout particulièrement la communauté sikhe, dans l'enquête qui a mené aux trois arrestations plus tôt dans la journée.

Le message, au fond, c’est celui-ci : notre communauté est très forte. Elle ne sera pas intimidée et la communauté va collaborer avec la police afin de tenir responsables les délinquants, a-t-il martelé.

En point de presse, en fin d’après-midi, le ministre canadien de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, s’est réjoui de l'annonce de la Gendarmerie royale du Canada, qui est le fruit de plusieurs mois de travail de l’équipe intégrée des enquêtes sur les homicides de la Gendarmerie royale du Canada, laquelle a bénéficié du soutien du programme de la Police fédérale dans la Région du Pacifique, du [département] de Surrey de la Gendarmerie royale du Canada et d’autres organismes partenaires.

Ces arrestations constituent une avancée importante dans les efforts déployés par la Gendarmerie royale du Canada pour que les responsables du meurtre de M. Nijjar répondent à leurs actions par l’entremise de notre système de justice indépendant, a-t-il ajouté.

Radio-Canada/CBC s’est engagée à ne pas divulguer l’identité de ses sources en raison de la nature délicate de cette affaire et des risques reliés à leur sécurité personnelle.

Avec les informations de CBC News et de Benoît Ferradini

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