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Augmentation des mesures antivol dans les supermarchés : la faute du crime organisé?

Une personne vérifie sa facture d'épicerie.

La vérification des reçus de caisse après avoir payé va peut-être à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. (Archives)

Photo : Getty Images via iStock / LordHenriVoton

Radio-Canada

Comment faire pour déterminer si un vol à l’étalage en est un “de subsistance” ou s’il s’agit d’une “opération criminelle organisée”?

Les mesures antivol à l'étalage dans les supermarchés sont de plus en plus évidentes, et de plus en plus de consommateurs s’en plaignent. Or, selon les épiciers, ces mesures sont en place pour contrer le crime organisé dans le commerce de détail.

Ils choisissent essentiellement un lieu. Ils impliquent un certain nombre de personnes et ciblent des marchandises dont ils savent qu'elles ont une grande valeur dans la rue. Il s'agit de produits faciles à vendre très rapidement, comme les produits de santé et de beauté, le lait maternisé. C'est ce qu'affirme Diane Brisebois, du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

Des contenants de lait en poudre pour bébés récupérés par la police de Vancouver.

Le lait maternisé est populaire auprès des voleurs à l'étalage, selon Mme Brisebois. (Archives)

Photo : Radio-Canada

Mais Trevor Wagener, chercheur et économiste, affirme que les statistiques disponibles sur le vol à l’étalage sèment le doute dans son esprit quant aux dires de Mme Brisebois.

De son côté, l’Ontarienne Susan Dennison affirme s'être sentie humiliée par des agents de sécurité zélés.

En fait, certaines des mesures imposées par les supermarchés vont possiblement à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, disent des experts.

Prise au piège

Mme Dennison a vécu une expérience troublante dans son épicerie locale, un Fortinos appartenant à Loblaw à Burlington, en Ontario.

Alors qu'elle s'apprêtait à partir, les roues de son chariot se sont bloquées, le rendant immobile. Elle raconte qu'une employée du magasin s'est précipitée et a exigé de voir son reçu de caisse.

J'ai eu l'impression d'être prise au piège, dit Mme Dennison. Énervée, elle s’est mise à fouiller frénétiquement dans ses poches et sa sacoche. Elle me harcelait, me demandait s’il était dans mon portefeuille ou dans ma poche. "Dans votre poche, dans votre poche?"

Elle a finalement été rassurée lorsque l'employée a trouvé le reçu dans l'un de ses sacs de courses.

J'ai eu l'impression que ça a duré une éternité, et les gens qui passaient… c'était humiliant.

Il s’agit d’une des nombreuses mesures antivol imposées par Loblaw dans ses supermarchés : les chariots sont équipés de freins qui peuvent être activés à distance. Selon Mme Dennison, lorsqu'elle a demandé pour quelle raison elle avait été ciblée, on lui a dit qu’il y avait eu un problème technique.

Leurs méthodes doivent permettre d'attraper les voleurs, pas les clients honnêtes, ajoute-t-elle.

En plus des chariots à freins, de plus en plus de mesures sont imposées : des barrières métalliques avec des points d'entrée et de sortie désignés, des contrôles aléatoires des reçus et de hautes barrières en plexiglas ont récemment fait leur apparition dans de nombreux supermarchés Loblaw.

Des barrières en métal entourent la sortie de l'épicerie.

De nombreux magasins Loblaw ont installé des barrières de sécurité avec des points d'entrée et de sortie désignés. (Archives)

Photo : Gracieuseté de Tristan Capacchione

Les grands détaillants comme Canadian Tire et Walmart ont eux aussi mis en œuvre certaines de ces mesures.

La nouvelle frontière

Selon Mme Brisebois, du CCCD, le grand problème est le crime organisé dans le commerce de détail.

Nous parlons ici de gangs dont le but est de voler, et le commerce de détail est la nouvelle frontière.

Une citation de Diane Brisebois, présidente-directrice générale du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD)

Mais certains experts du secteur estiment qu'une meilleure solution consisterait à éviter les tactiques antivol qui donnent l'impression aux consommateurs ordinaires d'être pris pour cible.

C'est comme si l'on transformait l’épicerie en aéroport, où l'on est gêné à l'idée de faire une erreur qui nous causerait des ennuis, selon Christopher Andrews, sociologue et auteur.

Une caméra au plafond.

Les caméras sont omniprésentes dans les petits et les grands commerces pour freiner les vols à l'étalage. (Archives)

Photo : Radio-Canada

Le crime organisé, vraiment?

Loblaw est d’accord avec Mme Brisebois : le crime organisé est en cause.

Cette recrudescence du crime organisé dans le commerce de détail demeure un problème important pour l'industrie du commerce de détail , a déclaré Richard Dufresne, qui était alors directeur financier de Loblaw, lors d'une conférence téléphonique à la fin de l'année 2023.

Il s'agit d'organisations sophistiquées qui ont de plus en plus recours à des tactiques violentes et à des réseaux complexes pour voler et vendre des biens volés à des fins lucratives.

Une citation de Richard Dufresne, ancien chef de la direction financière pour Loblaw

Loblaw n'a pas fourni de données pour étayer son affirmation.

Selon Statistique Canada, le crime organisé ne représente qu'une petite partie du vol à l’étalage, et il a diminué entre 2018 et 2022.

Toutefois, Mme Brisebois a déclaré que ces statistiques sont incomplètes, car de nombreux crimes ne sont pas signalés. Elle n'a pas non plus fourni de données précises, mais a déclaré qu'en parlant avec des propriétaires de supermarchés ainsi que les forces de l'ordre, le CCCD a déterminé que le crime organisé dans le commerce de détail est un problème en plein essor.

Elle a ajouté que le CCCD travaillait à la compilation de statistiques sur les vols dans le commerce de détail et qu'il espérait les rendre bientôt disponibles.

Les vérifications respectent-elles la Charte?

Trevor Wagener, chercheur et économiste en chef pour l’association à but non lucratif américaine Computer & Communications Industry Association [Association de l'industrie des ordinateurs et des communications, traduction libre], affirme qu’il est pratiquement impossible de quantifier le pourcentage de vol à l’étalage fait par le crime organisé, car il est parfois difficile de savoir quand il se produit.

Celui-ci donne l’exemple d’une vidéo provenant d’une caméra de surveillance. Vous pouvez avoir une vidéo montrant deux ou trois individus qui rassemblent des marchandises et repartent sans les payer. S'agit-il d'un vol à l'étalage de subsistance? ou cela fait-il partie d'une opération criminelle organisée?

En outre, selon l'Association canadienne des libertés civiles (ACLC), le contrôle des sacs après le passage à la caisse pourrait être contraire à la constitution.

Michael Bryant, directeur exécutif et avocat général de l'ACLC, a déclaré en 2019 que les détaillants devraient obtenir le consentement des clients avant de vérifier leurs reçus ou leurs sacs. Et si aucun consentement n'est donné, les clients ne sont pas obligés d'obtempérer.

Ils ont le droit de dire "merci, mais non merci" et de s'en aller, avait alors déclaré M. Bryant.

Certaines personnes sont très attachées à leur vie privée et, en fait, la manière dont nos lois fonctionnent, cette vie privée et cette liberté sont protégées.

Dans une décision rendue en 2016 dans une affaire concernant un voleur à l'étalage présumé, un juge de la Cour supérieure de l'Ontario a écrit qu'un détaillant peut détenir un suspect s'il a des motifs raisonnables de croire qu’un crime a été commis, mais que, même dans ce cas, il doit obtenir le consentement de l'intéressé pour procéder à une fouille.

Avec les informations de Sophia Harris de CBC

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