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« Si j’avais été là, je n’aurais pas parti l’université avec ces quatre programmes »

Portrait de Pierre Ouellette dans un bureau vitré.

Le recteur de l'Université de l'Ontario français, Pierre Ouellette, affirme qu'il aurait fait les choses différemment s'il avait été à la tête de l'établissement dès ses débuts.

Photo : Radio-Canada / Vedran Lesic

S’il avait été à la barre de l’Université de l’Ontario français (UOF) dès ses débuts, le recteur Pierre Ouellette affirme qu’il « n’aurait pas parti l’université avec les quatre programmes avec lesquels [elle] a démarré ».

La pertinence des quatre premiers programmes de l’établissement a été remise en question par certains Ontariens. Dans des documents internes obtenus par Radio-Canada, l’UOF concède que les programmes ont suscité une certaine incompréhension dans la population.

Les quatre premiers baccalauréats :

  • Environnements urbains

  • Pluralité humaine

  • Économie et innovations sociales

  • Cultures numériques

En lisant les documents transmis par Radio-Canada, une professeure de science politique au Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, a été heureuse de voir l’Université reconnaître le manque de notoriété des premiers programmes.

Dans un plan fourni au ministère ontarien des Collèges et des Universités (MCU) et obtenu par Radio-Canada, l’UOF écrit que la province exigeait qu’elle crée des programmes non conventionnels afin de ne pas concurrencer ce qui est offert ailleurs.

Un homme avec des lunettes dans un corridor.

Le premier recteur de l'Université de l'Ontario français, André Roy, a démissionné de son poste en 2021. (Photo d'archives)

Photo : Marc Bourcier, Université Concordia

En entrevue, Pierre Ouellette, qui a remplacé André Roy au poste de recteur en 2021, a cependant expliqué qu’aucune question concernant la concurrence n'a été posée lors de la création du nouveau baccalauréat en éducation, qui compte aujourd’hui 86 étudiants.

Alex Usher, un consultant en éducation postsecondaire, affirme que ces programmes étaient la création du conseil de gouvernance de l’époque. Ce n’était pas le gouvernement du tout, explique-t-il.

Avec un nouvel établissement, on n'a pas beaucoup de deuxièmes chances, et l'Université a pris deux ou trois ans pour s'apercevoir que c'était un faux pas.

Une citation de Alex Usher, président de la firme Higher Education Strategy Associates

La direction de l’Université et ses professeurs tâchent maintenant de revoir les programmes, selon Pierre Ouellette. L’établissement se demande s’il peut les rendre plus attrayants, notamment en changeant leurs noms.

Le président du syndicat des professeurs, Leandro Vergara-Camus, souligne qu'il y a eu beaucoup de pression des autres universités pour que l'Université ne soit pas créée, des circonstances qui auraient encouragé la direction de l'époque à concevoir ces programmes différents.

ll faut juste nous donner du temps, dit-il.

La pression ne peut pas devenir paralysante

Les admissions au sujet des premiers programmes font partie d’un plan pluriannuel appelé Plan actualisé de mise en œuvre de l’Université de l’Ontario français à l'interne. Celui-ci compte une vingtaine de pages et a été envoyé au ministère des Collèges et des Universités en janvier 2023.

Au fil des pages, l’UOF énumère les nombreux problèmes auxquels elle fait face et présente un nouveau cadre d’alignement, qui a été rédigé par l’équipe de planification de l’établissement et qui décrit la nouvelle orientation de l’université francophone.

Parmi les problèmes soulevés : les attentes élevées envers l’établissement.

Ces attentes sont élevées, analyse la professeure Chouinard, puisque la communauté a investi énormément de capital politique dans cette question. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour exiger la création d'une université francophone, rappelle-t-elle.

Des gens avec des drapeaux de l'Ontario français et des pancartes.

Des milliers de Franco-Ontariens ont manifesté contre l'abolition du Commissariat aux services en français et contre la fin du projet d'université de langue française le 1er décembre 2018. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / PATRICK DOYLE

Le recteur Ouellette dit être conscient des attentes de la population. Il y a de la pression médiatique, de la pression politique, de la pression de la communauté, mais il faut juste s'assurer que cette pression-là ne devienne pas paralysante, dit-il.

Il faut être capable de canaliser cette pression-là pour qu'elle soit mobilisante, donc c'est un peu ça, ma job, aussi.

Une citation de Pierre Ouellette, recteur de l’Université de l’Ontario français

Autre problème : le marché que représentent les étudiants en immersion est possiblement moindre qu’anticipé, lit-on dans le Plan actualisé.

Il s’agit d’une erreur stratégique, pense Stéphanie Chouinard. Les élèves anglophones qui vont dans les programmes d’immersion, fait-elle observer, sont souvent des étudiants très performants d’un point de vue académique qui vont dans des institutions d’élite, dit-elle.

Devenir un canal en immigration

En revanche, l’UOF n’a pas eu de difficulté à recruter à l’étranger. En janvier 2023, les effectifs de l’Université se composaient majoritairement d’étudiants étrangers, selon le Plan actualisé fourni au MCU.

La même information se trouve dans le rapport du groupe d’experts créé par la province pour étudier la santé financière du milieu postsecondaire. Pierre Ouellette l’a toutefois réfutée en entrevue et dans une lettre au président du groupe, Alan Harrison.

Selon le recteur, la situation aurait changé de façon notable à partir de septembre 2023, lorsque l’Université a accueilli sa première cohorte du nouveau baccalauréat en éducation. Tous les étudiants dans le baccalauréat sont des Canadiens, dit-il.

L'enseigne de l'Université de l'Ontario français sur la façade de l'édifice.

L'Université de l'Ontario français accueille actuellement 236 étudiants, selon son recteur.

Photo : Radio-Canada / Pierre-Mathieu Tremblay

Il y a actuellement 236 étudiants inscrits à cette université. Pierre Ouellette affirme qu’environ 47 % d'entre eux sont des Canadiens.

Alex Usher affirme que l’équilibre entre étudiants canadiens et étrangers est très important pour l’avenir de l'établissement. Si l'Université cible surtout les étudiants étrangers, explique-t-il, il sera plus difficile pour elle d'exiger une grosse subvention gouvernementale.

Bien que leur proportion au sein de l’établissement soit en diminution, les étudiants étrangers pourraient être plus valorisés par l’Université.

Au cours des prochaines années, à l’inverse de ce qui était anticipé par l’établissement, le modèle de développement de l’UOFmisera davantage sur la clientèle étrangère en jouant un rôle de canal d’immigration pour de futurs résidents permanents.

Interrogé au sujet de cette nouvelle orientation, Pierre Ouellette explique que durant ses deux premières années d’existence, l’UOFn’a fait aucun recrutement à l'international mais que l’établissement doit dorénavant tenir compte de ces étudiants.

Cet établissement postsecondaire a toutefois offert des bourses de plusieurs milliers de dollars aux étudiants étrangers de sa première cohorte pour les encourager à s’y inscrire.

Les francophonies canadiennes ont besoin des collèges et des universités pour être un canal d’immigration vers l’extérieur du Québec.

Une citation de Pierre Ouellette, recteur de l’Université de l’Ontario français

Il pourrait toutefois devenir de plus en plus difficile pour l’UOF de recruter à l’étranger. Dernièrement, Ottawa a réduit puis plafonné le nombre de permis d’études qu’il accorde. L’UOF pourra demander un nombre correct de permis, selon le recteur.

L’ancien stratège conservateur Paul Demers, quant à lui, ne mâche pas ses mots. Les Franco-Ontariens se sont fait passer un sapin, déclare-t-il. L’image que c’était pour être une université qui intéresserait les jeunes Franco-Ontariens, c’était pas ça du tout, raisonne-t-il.

Moins d’étudiants… et plus de revenus

En dépit de ces nouvelles mesures, l’UOF vise des effectifs de 1100 étudiants à temps plein d’ici l’année scolaire 2027-2028.

Il s’agit d’une révision à la baisse de la cible incluse dans l’entente bilatérale signée en 2019, qui a financé l'ouverture de l’établissement. L’UOF s’était alors entendue avec les gouvernements fédéral et provincial pour accueillir 1500 étudiants d’ici 2026-2027.

Mélanie Joly aux Communes, debout pendant la période des questions.

L'Entente Canada-Ontario sur l'établissement de l'Université de l'Ontario français a été signée par le gouvernement ontarien et par Ottawa lorsque Mélanie Joly était ministre des Langues officielles. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Mathis Denis, qui est porte-parole du ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault, précise que l’UOF n’a pas eu besoin d’une autorisation du fédéral pour revoir sa cible. La province, ajoute-t-il, peut apporter des modifications aux cibles.

L’Ontario n’a pas répondu à plusieurs demandes de commentaires.

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Pierre Ouellette affirme que la direction de l’UOF a beaucoup travaillé avec l’Université métropolitaine de Toronto à la préparation de ses nouvelles cibles. Bâtir une tradition d'études universitaires en français à Toronto, ça prend du temps, fait savoir le recteur.

Entre 2023 et 2028, l’UOF prévoit néanmoins générer 48 millions de dollars pour assurer son fonctionnement. Dans l’Entente Canada-Ontario signée en 2019, l’Université prévoyait injecter 43 millions de dollars en huit ans grâce aux droits de scolarité et à d’autres sources de revenus.

Depuis l’année dernière, c’est l’Ontario qui est le principal bailleur de fonds de l’Université. L’établissement espère obtenir un financement de transition en 2027, quand ce financement prendra fin. Après quoi, il espère signer une entente de mandat stratégique avec le MCU.

Alex Usher, de la firme-conseil Higher Education Strategy Associates, affirme que les subventions offertes à l’Université pourraient chuter de manière importante si quelque chose ne change pas radicalement dans le nombre d’étudiants.

Pierre Ouellette est persuadé que l’établissement sera entre bonnes mains après 2027.

Le gouvernement fédéral prévoit dépenser près de 130 millions en quatre ans à partir de 2024-2025 pour contrer le sous-financement des établissements d’enseignement postsecondaire dans la langue de la minorité.

De plus, rappelle Stéphanie Chouinard, dans la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement énonce noir sur blanc qu’il a désormais des obligations à l’égard de l’éducation postsecondaire en situation minoritaire.

M. Usher affirme qu’il ne serait pas surpris si l’avenir de l’UOF passait par une entente avec l’Université d’Ottawa. C’est possible que l'Université d'Ottawa va acquérir l'UOF comme un campus à Toronto, dit-il.

Cependant, Pierre Ouellette dit qu’il n’est pas question de suivre l’exemple de l’Université de Sudbury et de signer une entente avec une université bilingue. Le recteur aimerait quand même lancer un réseau d’universités francophones en Ontario.

Présentement, ce qu'on nous dit, c'est que deux universités, ce n'est pas un réseau, note Pierre Ouellette en référence à l’Université de Hearst, la seule autre université de langue française en Ontario.

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